Chapitre 8

 

FRAYER AVEC DES DRAGONS

 

 

— Bwahaha, contente-toi de verser à boire ! brailla Athrogate.

Il leva sa chope mousseuse et l’avala d’une traite, tout du moins le contenu qu’il s’abstint de renverser sur sa barbe noire tressée. Il reposa le verre sur la table et se frotta la barbe de la manche, mais ne parvint cependant à ôter qu’un peu de mousse de l’ensemble peu ragoûtant.

Jarlaxle entreprit de faire glisser la deuxième chope de bière sur la table.

— Je sais que c’étaient des hommes de Knellict, déclara-t-il. (Il gardait la boisson hors de portée d’Athrogate.) Ou sinon il s’agit d’un groupe rival opérant ici même, à Héliogabale.

— Morve de gobelin ! Un groupe rival ne tiendrait pas la journée, fulmina le nain avec un clin d’œil exagéré.

Jarlaxle poussa la bière jusqu’à Athrogate. La chope fut saisie au vol, son contenu s’éleva dans les airs et se déversa dans la gorge du nain.

— Bwahaha ! rugit Athrogate en reposant violemment le verre.

Il éructa de façon sonore et, de sa manche, s’essuya de nouveau la bouche. Tandis qu’il retirait son bras, il s’aperçut que le poignet de son vêtement dégoulinait. Il le porta à ses lèvres et lécha le liquide qui imprégnait le tissu.

Jarlaxle secoua la tête, regarda les rangées de chopes vides qui occupaient plus de la moitié de la grande table de la taverne et fit un signe en direction de la serveuse qui observait depuis le bar. Il savait qu’il devrait saouler Athrogate pour le faire parler, même s’il n’avait pas tout à fait mesuré le coût d’une telle entreprise.

— Une autre tournée ? demanda-t-il.

Le nain beugla devant l’absurdité de la question.

Jarlaxle ricana et leva la main pour commander cinq nouvelles grandes chopes, puis leva le seul verre de vin qu’il s’était octroyé pendant qu’Athrogate sifflait une dizaine de bières, saluant la serveuse qui acquiesçait.

— Donc, c’était Knellict, et la cible était Artémis Entreri, conclut Jarlaxle.

— J’ai jamais dit que c’était Knellict, corrigea Athrogate en rotant pour la deuxième fois.

— Un rival au sein de la citadelle des Assassins ?

— Jamais dit non plus que c’était pas lui, ajouta Athrogate dans un renvoi plus sonore encore.

Alors que la serveuse entreprenait de placer les chopes pleines sur la table, Jarlaxle s’interrompit et lui adressa un sourire désarmant. Elle vida son plateau puis commença à ramasser les verres vides. Quand le drow laissa tomber deux pièces d’or à côté des chopes, un large sourire vint éclairer le visage de la jeune fille.

— Alors raconte, dit-il au nain, une fois qu’elle fut partie.

De sa main, le drow enserrait une chope, comme s’il la gardait en otage.

— Entreri a été engagé pour tuer un marchand, dit Athrogate, avant de s’interrompre, les yeux rivés sur la chope.

Au bout d’un instant, Jarlaxle la fit glisser vers le nain… qui ne perdit pas de temps à l’observer.

— Knellict croit-il qu’Entreri a gardé pour lui la récompense ? réfléchit Jarlaxle. Il n’avait aucune raison de le faire. Nous vivons largement grâce aux prises empochées en Vaasie et, en temps que Chevalier de l’Ordre, Artémis Entreri n’a pas à proprement parler de soucis d’argent.

— Bwahaha ! Chevalier de l’Ordre, brailla le nain.

— Apprenti Chevalier, si tu préfères.

— Bwahaha !

— Il n’avait aucune raison de conserver le butin volé au marchand assassiné, dit Jarlaxle.

— D’après ce que j’ai entendu dire, y a pas eu de meurtre, répondit Athrogate. (Il tendit le bras vers une autre chope. Jarlaxle en fit glisser une vers sa paume tendue, mais cette fois-ci, le nain ne la vida pas sur-le-champ.) En tout cas, pas avant que Knellict ait mis la main sur lui. On dirait que ton ami s’est emmêlé les pinceaux.

— Il n’a pas tué le bon négociant ?

— Il a abattu deux hommes de Knellict, envoyés pour surveiller son travail.

Athrogate conclut ses propos en vidant la chope, avant d’éructer copieusement.

Jarlaxle se cala sur son siège pour digérer les informations. Qu’as-tu fait, Artémis ? songea-t-il, sans poser la question à voix haute. Nul doute que son compagnon, un assassin de sa trempe, l’un des plus expérimentés qui aient jamais arpenté les rues d’Héliogabale et d’autres villes, n’aurait pu commettre une erreur aussi grossière.

Il ne s’agissait donc pas d’une méprise, mais d’une déclaration. De quoi ? D’indépendance ? De stupidité ?

— Dis-moi, Athrogate, demanda Jarlaxle d’une voix calme et posée, la prime offerte pour Entreri est-elle suffisante pour faire frétiller les morgensterns qui se trouvent dans ton dos ?

— Bwahaha ! brailla le nain.

— Est-ce la raison pour laquelle tu es revenu à Héliogabale plutôt que de prendre la route vers la Vaasie ?

— L’hiver approche, abruti. J’ai pas envie d’affronter les blizzards de la Vaasie. L’été à travailler, l’hiver à boire : c’est le secret d’une bonne vie pour nous les nains.

— Mais si une occasion de boulot facile se présentait à Héliogabale…, le taquina Jarlaxle. Une aubaine inespérée, peut-être.

— Pour buter Entreri ? Bwahaha ! Ça suffirait pas même à payer les tournées de ce soir.

Perplexe, Jarlaxle fit glisser une nouvelle chope, sourcils froncés.

— Knellict sous-estime…

— Il a pas même offert une récompense correcte pour la tête de ton ami, expliqua le nain. Il sait que les volontaires seront nombreux, attirés par la réputation qu’ils pourront se tailler. Tuer un héros chevalier ? Maintenant, il y a de quoi concurrencer cette chose que tu gardes dans ton stupide chapeau !

— Pour un parvenu, peut-être, argumenta le drow.

— Ou comme insulte. Peu importe.

— Mais quand Knellict comprendra son erreur et sera à court de parvenus, il reverra la rémunération.

— Peut-être que je pourrai te répondre si, par le groin d’un cochon, je savais de quoi tu parles, dit Athrogate. Quelle rémunération ?

— Le paiement, expliqua Jarlaxle. Quand tous ceux qui se seront lancés à la poursuite d’Entreri auront été massacrés, Knellict reconnaîtra la valeur de son ennemi et offrira une récompense plus forte.

— Ou il tuera lui-même, ton ami ; pour sûr, j’ai pas dit que Knellict était derrière tout ça.

— Non, bien entendu.

Athrogate brailla, éructa et vida une autre chope.

— Et si la récompense augmentait, Athrogate se laisserait-il tenter ?

— Suis pas du genre à essayer. Soit je fais, soit je fais pas.

— Et est-ce que tu le ferais ? Si la gratification était importante ?

— Ni plus ni moins que toi.

Jarlaxle s’apprêtait à répondre, plutôt sèchement, avant d’admettre qu’il ne pouvait pas, en toute honnêteté, être en désaccord avec ces propos, même si, naturellement, le dédommagement devrait être très élevé.

— J’aime bien ton ami, concéda Athrogate. Par les Neufs Enfers, je vous aime bien tous les deux.

— Mais tu aimes plus encore l’or.

Le nain leva très haut une autre chope en signe d’assentiment.

— J’aime ce que les pièces me procurent. J’ai qu’une vie. Ça peut finir dans dix jours ou dans trois cents ans. Dans tous les cas, plus je passe de temps à boire et à faire gras, mieux je me porte. Et me raconte pas d’histoires, noiraud, c’est la seule chose qui compte vraiment.

Jarlaxle aurait eu du mal à contredire cette philosophie. De nouveau, il fit signe à la serveuse, lui indiquant qu’elle devait continuer à apporter à boire, avant de sortir de sa poche quelques pièces d’or et de les placer sur la table.

— Je t’aime bien, le nain, affirma-t-il en se levant. C’est pourquoi je te dis très sérieusement que quelle que soit la récompense proposée par Knellict ; oui, oui, si c’est bien de lui qu’il s’agit, ajouta-t-il en voyant qu’Athrogate était sur le point de répliquer, quelle que soit la mise à prix pour Entreri, elle n’est pas suffisante pour valoir le coup pour toi.

— Bwahaha !

— Songe simplement à ces années de beuverie auxquelles tu devrais renoncer. Que cette pensée te serve de ligne de conduite, poursuivit Jarlaxle avec un clin d’œil, avant de s’incliner et de prendre congé, passant devant la serveuse qui arrivait avec un autre plateau rempli.

Il lui administra une légère tape sur les fesses, à laquelle elle répondit par un sourire engageant.

Oui, il pouvait comprendre les raisons pour lesquelles Athrogate restait éloigné de la Vaasie à l’arrivée des frimas. Nul doute que lui aussi apprécierait de passer l’hiver dans cette ville des plus accueillantes.

À moins que, naturellement, Artémis Entreri ait épuisé cette hospitalité.

Jarlaxle sortit de la taverne. La pluie avait cessé, les lourds nuages chassés par un vent froid venu du nord avaient fait place à la faible lueur des premières étoiles. Le refroidissement avait été si soudain que les flaques formées par la pluie de la journée fumaient dans l’air de la nuit et s’élevaient en arabesques fantomatiques. Jarlaxle observa un certain temps le boulevard dans les deux directions ; examinant les volutes grises, il se demandait si des tueurs étaient tapis derrière.

— Qu’as-tu fait, Artémis ? demanda-t-il à voix basse, avant de nouer sa cape autour de son cou et de se mettre en mouvement pour rentrer chez lui.

Pourtant, il changea de direction presque immédiatement, rendu fébrile par les événements déclenchés autour de lui.

Lorsqu’il atteignit le Pourtour du mur, le crépuscule était tombé sur la cité. Un groupe de nuages à l’ouest était venu à bout des derniers rayons malingres du soleil, inaugurant une obscurité profonde et prématurée. Dans plusieurs commerces, des bougies étaient allumées, car, même si le soir arrivait, l’heure de la fermeture n’était pas encore venue.

C’était le cas Aux Pièces d’or d’Ilnezhara, où un chandelier à plusieurs bras dansait derrière la grande fenêtre. Tout autour, des cristaux étincelaient dans la lueur irrégulière des lumignons.

Lorsque Jarlaxle entra, le petit carillon suspendu au-dessus de la porte fit entendre son tintement. L’endroit était quasi dépourvu de clients, à l’exception d’une femme d’âge moyen, d’un jeune couple qui arpentait les rayonnages et d’une seule silhouette derrière le comptoir.

Jarlaxle prit plaisir à voir la personne entre deux âges pâlir lorsqu’elle le remarqua enfin. Plus jubilatoire encore, la jeune femme fit un pas de côté pour se pelotonner contre son compagnon. Elle serra si fortement son bras qu’elle le contraignit à interrompre ses achats.

L’homme laissa tomber sa mâchoire, se raidit soudain et gonfla les pectoraux. Il jeta un coup d’œil rapide autour de lui et escorta sa compagne vers la sortie, passant devant Jarlaxle qui le salua poliment en penchant son chapeau.

À ce geste, la jeune femme poussa un petit cri et, comme elle se trouvait plus près du drow que son protecteur, elle se blottit davantage encore contre lui.

— La chair humaine est si goûteuse, murmura Jarlaxle lorsque le couple le croisa. La femme laissa échapper un nouveau cri et son courageux ami accéléra le pas en direction de la porte.

Jarlaxle ne se donna pas la peine de leur jeter un regard lorsqu’ils sortirent. Le son aigu du carillon suffit à l’amuser.

Et à attirer l’attention des deux autres personnes se trouvant dans le magasin. La femme d’âge moyen qu’il ne connaissait pas l’observa, un peu craintive, peut-être, mais manifestement plus intriguée qu’effrayée.

Jarlaxle s’inclina devant elle et, alors qu’il se redressait, exécuta un simple tour de magie pour faire apparaître une fleur violette de fin d’été, spectacle rare et saisissant à Héliotrope.

Il la tendit à la femme, qui ne la prit pas. Elle passa devant lui, sans le lâcher des yeux un seul instant.

De ses doigts agiles, Jarlaxle fit disparaître la fleur et se borna à hausser les épaules.

Elle le toisa longuement de pied en cap.

Jarlaxle se dirigea vers un étalage tout proche et fit mine d’examiner quelques bijoux en or. Il ne regarda pas dans la direction de la femme, ni dans celle de la propriétaire derrière le comptoir, mais suivit attentivement et sans se faire remarquer le moindre de leurs mouvements. Il finit par entendre le carillon de la porte vers laquelle il jeta un coup d’œil, afin d’échanger un dernier regard avec la femme, manifestement intriguée. Elle trahit ses pensées par un sourire ironique alors quelle quittait le magasin.

— L’épouse de Yenthiele Sarmagon, le geôlier en chef d’Héliogabale, ami personnel du baron Dimian Ree, déclara Ilnezhara dès que le battant se fut refermé sur la cliente. Sois prudent si tu envisages une aventure avec elle.

— Elle m’a l’air des plus ennuyeuses, répondit Jarlaxle, sans lever les yeux du collier de métal précieux qu’il faisait tourner entre ses doigts et qu’il prenait plaisir à soupeser.

— Comme la plupart des humains, répliqua Ilnezhara. En raison, j’imagine, de la proximité qu’ils entretiennent avec la mort. Ils sont limités par leur peur de l’après et sont incapables de s’affranchir de leur prudence.

— Bien évidemment, sur la base de ce raisonnement, un drow constitue un bien meilleur amant.

— Et un dragon un bien meilleur encore, rétorqua Ilnezhara du tac au tac, affirmation que Jarlaxle ne se risqua pas à remettre en question. (Il sourit en penchant son chapeau.)

» Mais pas même la compagnie d’un dragon ne semble rassasier les appétits de Jarlaxle, poursuivit Ilnezhara.

Le drow médita ces paroles et le regard quelque peu amer qui s’était imprimé sur les traits délicats de son amante. Elle croisa les bras sur sa poitrine, un geste des plus inhabituels pour elle, pensa-t-il.

— Tu t’interroges sur mon degré de satisfaction ? demanda-t-il d’une voix qu’il savait un peu trop innocente.

— Je crois que tu marches à l’excitation.

— Ma satisfaction, ou mon absence de satisfaction, est compartimentée, expliqua Jarlaxle. (Il jugeait préférable de rassurer l’ego de la dragonne.) Sur de nombreux aspects, je suis comblé en effet, assez heureux en réalité. Sur d’autres, je le suis moins.

— L’excitation est ton moteur, ajouta Ilnezhara. Tu n’es pas satisfait, tu ne l’es jamais, quand la route est droite et non accidentée.

Jarlaxle prit le temps de réfléchir à ces propos, avant de gratifier son interlocutrice d’un large sourire.

— Quant à toi, rien ne t’apporterait plus de contentement que de consacrer le reste de ta vie à acheter des bibelots et à les revendre avec un bon profit, répondit-il sur un ton sarcastique.

— Qui dit que je les achète ? répliqua sans hésiter Ilnezhara.

Jarlaxle, peu disposé à libérer aussi vite le dragon femelle de la morsure de ses railleries, pencha son chapeau et la gratifia d’un bref sourire.

— Es-tu satisfaite, Ilnezhara ?

— Oui, ma vie vaut la peine d’être vécue.

— Mais uniquement parce que tu l’évalues à l’aune de l’existence, brève, du roi Gareth et de ses amis, que tu crains. Ce n’est pas ta vie, mais simplement une pause négociée, un palier d’où Ilnezhara et Tazmikella peuvent s’élancer vers de nouvelles entreprises.

— Ou peut-être que nous autres, dragons, ne sommes pas aussi angoissés et agités que les drows, répondit-elle. Se pourrait-il que de petites choses, un amant drow pendant dix jours, la mise à sac d’un navire marchand les dix jours suivants, nous suffisent ?

— Devrais-je me sentir insulté ?

— Mieux vaut être insulté que réduit en cendres.

Jarlaxle resta silencieux pour essayer de savoir ce que sa curieuse interlocutrice avait en tête. Il peinait à distinguer où s’arrêtaient les plaisanteries d’Ilnezhara et où commençaient ses menaces, et n’était nullement désireux de jouer à ce jeu avec une dragonne.

— Peut-être que l’excitation que je te procure en dehors de notre… relation se révèle passionnante pour toi, suggéra-t-il quelques instants plus tard non sans une pointe d’hésitation.

Il s’exprima sur un ton des plus désinvoltes, avec une posture qui évoquait l’attitude malicieuse d’un jeune garçon prêt à faire les quatre cents coups.

Mais Ilnezhara ne sourit pas. Elle serra la mâchoire et, regardant droit devant elle, le transperça de ses yeux.

— Tu es si sérieuse, observa-t-il.

— La tempête approche.

Jarlaxle prit une posture et un air innocents, bras écartés.

— Tu as surmonté les épreuves du château du Roi-Sorcier, expliqua Ilnezhara. La nature de Jarlaxle n’est pas de survivre purement et simplement. Non, tu cherches à retirer quelque chose de chaque expérience, comme ce fut le cas pour la tour d’Herminicle.

— J’ai eu la vie sauve, de justesse.

— La vie sauve et quoi d’autre ?

— Si nous parlons tous deux par énigmes, aucun de nous ne trouvera de réponse, madame.

— Tu crois pouvoir tirer parti des constructions de Zhengyi, affirma la dragonne. Tu y as découvert la magie, des alliés peut-être, et tu cherches désormais à en retirer un profit personnel.

Jarlaxle commença à secouer la tête, mais Ilnezhara n’était pas femme à céder si facilement du terrain.

— T’élever dans la société de Damarie, c’est-à-dire être nommé Apprenti Chevalier de l’Ordre et grimper dans la hiérarchie de la chevalerie, est une chose. Gravir les échelons d’une hiérarchie qui relève de ta propre construction, dans un royaume où Gareth règne sur les champs et les fermes et où Timoshenko hante les ruelles et les passages sombres, revient à courir tout droit au désastre, majeur qui plus est.

— À moins que mes alliés soient plus puissants que mes ennemis potentiels, déclara Jarlaxle.

— Ce qui n’est pas le cas, répliqua la dragonne sur-le-champ. Tu te méprends souvent sur ceux au-dessus ou à côté desquels tu cherches à t’élever. Une telle erreur, ma sœur et moi ne la commettons pas, à quelque niveau que ce soit, sois-en assuré. Nous avons rencontré Zhengyi avant la tempête. Son nom est honni dans tout le pays, bien sûr, mais il y eut une courte période pendant laquelle il était tenu en haute estime et où il était assez puissant pour détruire quiconque osait le défier ouvertement. Il est venu vers nous non avec des menaces, mais avec des tentations très fortes.

— Il vous a offert l’immortalité, dit Jarlaxle. L’état de dracoliche.

— Urshula la Noire n’était pas la seule à occuper une place dans les dessins que nourrissait Zhengyi, confirma la dragonne. Une centaine de dracoliches se lèveront à tour de rôle par le biais de l’héritage laissé par le Roi-Sorcier. Dans un mois peut-être, dans cent ans ou dans mille ans. Ils sont là-dehors, leur esprit immortel patientant dans des phylactères contenus dans les tomes de la création.

— Et Ilnezhara ?

— J’ai pris ma décision, tout comme Tazmikella, à un moment où il semblait que rien ne pourrait arrêter Zhengyi.

Elle s’interrompit, le regard dur et fixe. Mentalement, Jarlaxle se formula la suite logique du raisonnement : si Zhengyi n’avait pas réussi à rallier à sa cause les sœurs dragonnes à l’époque où il était au faîte de sa puissance dans les Terres héliotropes, comment lui-même pouvait-il espérer les tenter maintenant ?

— Ma sœur et moi pensons que nous n’aurons pas besoin de tes services pendant les mois calmes d’hiver, déclara Ilnezhara. Ni de ceux d’Entreri. Si tu souhaites quitter Héliogabale et te reposer de tes épreuves récentes sous le climat plus clément de la mer de Lune, tu as notre bénédiction.

Un sourire entendu éclaira le visage de Jarlaxle.

— Si un événement survenait pour lequel tes compétences particulières seraient les bienvenues et que vous deux séjourniez encore à Héliogabale, nous ferions appel à vous, poursuivit la dragonne, sur un ton qui laissait clairement entendre qu’elle n’avait nullement l’intention de recourir à cette éventualité.

Il était congédié.

Plus encore, Ilnezhara et Tazmikella s’écartaient et prenaient de la distance.

— Attention, Ilnezhara, se risqua à dire Jarlaxle. Artémis Entreri et moi avons découvert beaucoup dans les territoires du nord.

Ilnezhara plissa les yeux et, l’espace d’un instant, Jarlaxle craignit qu’elle reprenne sa véritable forme de dragon pour l’attaquer. Cependant, cette étincelle menaçante disparut en un éclair et elle répondit d’un ton calme :

— Des découvertes suffisantes pour susciter l’intérêt.

— De qui ? demanda-t-il. Le tien ?

— Il t’était acquis avant que tu entreprennes ton voyage vers le nord.

Jarlaxle prit le temps de digérer ces paroles. Elle était tiraillée, il pouvait le voir, ce qui la rendait nostalgique à son égard. Elle le congédiait, presque.

— Peut-être irons-nous vers le sud, déclara-t-il. Après avoir grandi en Outreterre, je n’ai qu’une faible tolérance pour les morsures de l’hiver.

— Sage décision.

— J’imagine que je ferais bien, ainsi qu’Artémis, d’annoncer notre départ au roi Gareth, avança le drow. Bien qu’entreprendre ce voyage vers le nord jusqu’au Village héliotrope ne me dise rien qui vaille. Les vents froids ont déjà commencé à souffler. Néanmoins, je considère qu’il en va de notre responsabilité de faire savoir que nous quittons les lieux, et ce n’est pas un message que je peux confier à un garde de la cité.

— Non, bien sûr que non, acquiesça la dragonne, sur un ton presque moqueur qui indiqua à Jarlaxle qu’elle se prenait à son petit jeu.

— Peut-être que si certains amis de Gareth étaient en ville…, lança le drow.

Ilnezhara hésita et échangea un regard avec lui. Elle sourit, fronça les sourcils, avant d’acquiescer lentement et de laisser entendre, sans ambiguïté aucune, que cette faveur était la dernière, son expression venant rappeler et confirmer le congé qu’il s’était vu signifier plus tôt.

— J’ai entendu dire que le grand-maître Kane avait été aperçu à Héliogabale, dit-elle.

— Une personne remarquable aux dispositions uniques, d’après ce que je sais.

— Un vagabond aux vêtements usés et sales, corrigea Ilnezhara. Et l’homme le plus dangereux de toutes les Terres héliotropes réunis.

— Artémis Entreri se trouve dans ces Terres héliotropes.

— L’homme le plus dangereux de toutes les Terres héliotropes réunies, répéta la dragonne d’un ton si assuré que Jarlaxle prit ses propos au sérieux.

— Grand-maître Kane, alors, fit-il. Il délivrera mon message, j’en suis persuadé.

— Sa loyauté au roi Gareth est acquise, acquiesça Ilnezhara avant d’ajouter l’avertissement suivant :

» À tout jamais.

Jarlaxle resta silencieux, hochant la tête quelques instants.

— Il se montrera peut-être aussi intéressé par quelques informations relatives à la mort de la nièce de Gareth.

L’elfe noir se leva et adressa un sourire désarmant à la dragonne. Il s’efforça de paraître reconnaissant de l’information qu’elle venait de lui transmettre et prit davantage encore sur lui pour dissimuler son intense déception.

Il se retourna pour partir, avant de s’arrêter lorsqu’il entendit la voix de son interlocutrice derrière lui :

— Tu tisses tes toiles comme autant de pièges. Nul doute que tu mènes ainsi ton existence, depuis ton enfance à Menzoberranzan. Tu complotes avec des êtres comme Knellict et Timoshenko et c’est un jeu dans lequel tu excelles. Mais écoute-moi bien, Jarlaxle. Le roi Gareth et ses amis sont directs et droits et font peu de cas des toiles et de leurs méandres. La tienne ne sera jamais assez forte pour ralentir la charge de Kane.

Dans la rue, Jarlaxle retrouva rapidement tout son allant. Il s’était rendu chez Ilnezhara dans l’espoir de les rallier, elle et sa sœur, à son plan. Il devait probablement revoir ses idées et ses aspirations immédiates quant à la Vaasie. Les deux dragonnes mises à part, sa posture se trouvait terriblement compromise, et plus encore s’il songeait aux dommages causés par Artémis Entreri.

La prudence lui recommandait de se mettre au vert, voire de s’octroyer ces vacances qu’Ilnezhara lui avait conseillées sans mâcher ses mots, afin de prendre du recul et de réévaluer ses possibilités face à des obstacles qui semblaient se multiplier.

Jarlaxle ne riait jamais autant qu’à ses dépens.

— Prudence, dit-il.

Le mot roula sur sa langue comme s’il comportait une dizaine de syllabes. C’est de la même manière qu’il en prononça un qu’il considérait comme synonyme : ennui.

Toutes les fibres sensibles de son corps lui intimaient l’ordre de suivre la recommandation d’Ilnezhara et de s’extraire du faisceau d’intrigues qui ne cessait de s’épaissir dans les Terres héliotropes. En vérité, Jarlaxle se rendait compte que la marée jouait contre lui et que les ombres s’épaississaient dans tous les recoins. Un homme sage aurait pu décider d’arrêter les frais (ou les gains) et se mettre en quête d’un terrain plus sûr. Pour ces hommes « sages », songea Jarlaxle, bien qu’ils l’ignorent, la mort était hors de propos, redondante.

À coup sûr, la mer grossissait dangereusement. Au sava, lorsqu’il perdait, le joueur sage sacrifiait une pièce ou abandonnait la partie.

Jarlaxle, en revanche, avançait d’une façon qui pouvait sembler incongrue, voire insensée. Il bluffait davantage.

— Que les dés changent la donne, récita-t-il.

Il s’agissait d’un vieil adage drow qui exaltait le chaos. Comme le proclamait la loi de Lolth, lorsqu’une dangereuse réalité s’approchait, il convenait de la changer.

Ses talons claquaient avec bruit sur le pavé (comme il aurait aimé que ce soit le cas de ses bottes magiques) lorsqu’il s’engagea dans l’impasse, les pensées monopolisées par un nom, celui du grand-maître Kane.

Jarlaxle frayait avec des dragons.

 

* * *

 

— Alors comme ça, t’es suspendu au plafond par les orteils ? demanda Athrogate en grognant. T’es frappé !

— Ils devraient l’ignorer ? s’enquit le drow sur un ton innocent.

— Ils devraient surtout ignorer la façon dont Athrogate l’a appris !

— Tu crois que la Voix des Ombres n’avait aucune information sur Canthan et son ami le nain qui l’a accompagné dans le château ?

Athrogate se pinça les lèvres et sembla s’enfoncer dans son siège. Il apaisa la peur qui le gagnait au moyen d’une chope de bière qu’il vida cul sec.

— Es-tu si naïf au sujet de tes ennemis ? insista Jarlaxle.

— Ce ne sont pas mes ennemis. Je n’ai rien entrepris contre la Couronne et personne m’a forcé à faire quelque chose.

Jarlaxle sourit en entendant ces mots familiers, prononcés à la façon du nain, mais si proches de ceux qu’Entreri lui avait tenus.

— L’heure du jugement approche, l’avertit le drow. Ellery, la nièce de Gareth, est morte.

— Je me demande encore comment ça a pu arriver.

— Les détails intéresseront peu les amis de Gareth.

— Je pourrais en dire autant de ceux de Knellict si je fais ce qu’ils me demandent.

— Je dirais plutôt le contraire, répondit Jarlaxle. La complicité d’Ellery atténuera le coup pour Knellict. Tu lui feras une faveur.

Athrogate grogna et un peu de bière s’écoula par ses narines poilues.

— Mon ami, tu as réussi à bien te porter en restant en dehors de la toile tissée par tes amis à la stratégie d’araignée.

— Par les Neuf Enfers, qu’est-ce que tu racontes ?

— Tu en fais partie, mais tu te tiens à l’écart. Tu sers la citadelle des Assassins, avec laquelle tu ne complotes pourtant pas. Il n’y a rien dans ton passé dont tu devrais répondre devant la cour du roi Gareth, sinon tu y aurais comparu voilà bien longtemps.

— Ce moment est-il arrivé ?

— Oui. Tu es sur la tranche d’une pièce de monnaie, comme moi. Pile et face s’apprêtent à se livrer bataille. Que restera-t-il de la tranche lorsque les coups commenceront à pleuvoir ? Elle deviendra trop étroite, je le crains, et si nous devons basculer d’un côté ou de l’autre, pour lequel opter ?

— Si tu penses que Knellict représente le côté face, alors ton ami a déjà choisi pile, lui rappela le nain.

— Il ne s’agit pas d’Artémis Entreri, répondit le drow. Il s’agit de Jarlaxle et d’Athrogate.

Il fit glisser une autre chope vers ce dernier qui, comme à son habitude, s’en saisit au vol et la vida d’un trait.

— À Menzoberranzan, d’où je viens, un proverbe dit : Pey ne nil ne-ne uraili, poursuivit Jarlaxle.

— Et moi, je crois que t’es bizarre. Ce que tu racontes…

— « La vérité libère des chaînes », traduisit le drow. En ce moment, tu es confronté aux chaînes de l’inquiétude, mon ami. Tranche-les.

— La vérité va pas lui plaire.

— Mais il est assez sage pour ne pas s’en prendre au messager.

Athrogate prit une profonde inspiration puis avala une nouvelle bière. Il frappa le rebord de la table de ses mains et se remit sur ses pieds.

— C’est lui qui paie, annonça-t-il à la serveuse qui s’était tournée dans sa direction, désignant Jarlaxle.

— Pey ne nil ne-ne uraili, murmura celui-ci lorsque Athrogate se mit en route pour accomplir sa mission et trouver Kane.

Sa traduction du proverbe drow était exacte, mais incomplète, car les chaînes en question n’étaient pas celles de l’inquiétude, mais de la chair.

 

* * *

 

Annonce ton arrivée, ne cessa de se répéter en silence Athrogate. Surprendre un grand-maître ne constituait probablement pas l’option la plus sage. Il plaça son échelle en bois bancale devant le mur de la taverne et la plaça avec fracas contre la corniche du toit.

— On loue une chambre à l’auberge, grommela-t-il en commençant son ascension. C’est le principe. On loue pas une chambre sur cette fichue pension !

Ses bottes se faisaient de plus en plus pesantes, à mesure qu’il se hissait pour accéder au rebord.

Le moine était assis à trois mètres environ de la corniche, adossé à la cheminée de pierre. Il avait les jambes repliées sous lui, les mains sur les cuisses, les paumes tournées vers le ciel. Sa posture était parfaitement équilibrée et il semblait davantage faire corps avec le bâtiment, comme la cheminée, qu’être une créature vivante.

Athrogate s’arrêta, s’attendant à une réaction, mais lorsque les limites de sa patience furent atteintes sans que l’autre prononce un seul mot ni fasse un seul geste, le nain se hissa de nouveau et laissa rouler maladroitement son torse sur le toit légèrement pentu. Il éructa quand sa panse, devenue plus imposante après quelques jours à Héliogabale, s’appuya contre le soffite.

— Tu dors ? demanda-t-il en se soutenant de ses mains et ses genoux.

L’une des têtes de ses morgensterns jumeaux, en se balançant, vint le frapper sur le côté du visage, mais il se contenta de souffler pour l’écarter.

— Ton ami Gareth sommeille sûrement dans un meilleur lit. On dirait que les rois paient pas beaucoup, ces temps-ci !

Kane ouvrit un œil pour regarder le nain.

— Et je suis surpris que t’aies pas de gardes, osa ajouter ce dernier.

Le nain réussit à se mettre debout. Il se rendit alors compte que les barreaux d’ardoise tout autour de lui n’étaient pas fixés et formaient un faux jeu de tuiles par-dessus les vraies !

— Oh, par le cul pétant de Clangeddin parvint-il à articuler alors que ses pieds glissaient, le projetant lourdement à terre sur le ventre avant de le faire tomber du toit.

Il s’écrasa dans la ruelle jonchée de détritus, empêtré dans son échelle ; ses bras et ses jambes s’agitaient fébrilement, les têtes de ses morgensterns se balançaient et battaient autour de lui.

Il bondit sur ses pieds et clopina dans tous les sens, guettant chaque ombre. Si quelqu’un avait été témoin de son humiliation, Athrogate n’aurait eu d’autre choix que de le tuer.

Lorsqu’il eut acquis la certitude que sa chute brutale s’était déroulée sans témoin, il posa les poings sur les hanches et leva les yeux vers le toit.

— Fichu moine, murmura-t-il.

Il ramassa ses morgensterns, les replaça dans son dos et s’occupa de l’échelle. Deux barreaux étaient cassés, mais il décida qu’elle ferait quand même l’affaire. Il la replaça contre le mur, recommença son ascension et prit là encore le soin d’annoncer son arrivée.

Parvenu à la bordure du toit, il tendit la main et testa les ardoises restantes.

— Le terrain est sûr, le nain, dit Kane, sans changer de position, les paupières fermées.

— C’était un piège rusé, concéda Athrogate. (Il se hissa lentement, centimètre par centimètre, testant avec précaution le sol avant de s’y engager.) Tu pouvais pas recruter quelques gardes plutôt que d’utiliser ce piège pour voleurs à la petite semaine ?

— Je n’ai pas besoin de sentinelles.

— Tu es là tout seul. Pourquoi t’es pas dans ta chambre ?

— Je me trouve dans la plus majestueuse chambre de l’univers.

— On dirait qu’il va pleuvoir. Tu crois que tu continueras à dire la même chose ?

— Je ne t’ai pas invité ici, le nain, répondit Kane. Je ne recherche pas de compagnie. Si tu as quelque chose à déclarer, je t’écoute. Sinon, va-t’en.

Athrogate fronça les sourcils et croisa ses bras imposants sur sa poitrine.

— Tu sais qui je suis ? demanda-t-il.

— Athrogate, répondit le moine.

— Tu as entendu parler de moi ?

Pas de réponse.

— Personne n’a fait plus de victimes que moi au mur, assura Athrogate.

La réplique, provocante, ne se fit pas attendre.

— Personne en tout cas qui se préoccupait d’un tel décompte, assura son interlocuteur d’un ton calme.

— J’étais dans le château au nord de Palischuk ! lança le nain.

— Et c’est bien la seule raison pour laquelle je t’autorise à venir troubler mon repos en ce moment même, dit Kane. Si tu es venu m’entretenir de ces événements, alors je t’écoute. Sinon, va-t’en.

Son orgueil un peu piqué, Athrogate riposta :

— Très bien, dans ce cas. Si c’était pas pour ça, j’aurais rien à faire avec toi.

— Rien que tu ne puisses souhaiter, répliqua Kane d’un ton calme et confiant.

Le nain se tassa encore un peu plus.

— Je suis venu te parler d’Ellery.

Kane ouvrit les yeux et tourna la tête. Soudain, il semblait très intéressé.

— Tu as vu sa fin ?

— Non, admit le nain. Mais j’ai assisté à celle de Canthan. Mort à mes pieds, tué par Artémis Entreri.

Kane ne sourcilla pas.

— Tu l’accuses ?

— Non, clarifia le nain. C’est Canthan qui a commencé le combat. Cet idiot de magicien essayait d’abattre ces demi-orques. (Il s’interrompit pour rassembler ses souvenirs.) Tu dois savoir que Canthan était pas du genre à suivre le commandement du roi Gareth.

— Il avait d’autres motivations en se rendant au château ?

— Sais pas ce que c’est que ces « motivations », mais il cherchait ses maîtres, et aucun d’eux sert ton souverain. (Il ponctua sa phrase d’un clin d’œil exagéré, mais Kane ne sourcilla pas. Athrogate, frustré, soupira.)

» Il appartenait à la citadelle des Assassins, expliqua le nain.

— Ce dont nous nous doutions.

— Et que savait, poursuivit Athrogate, votre commandante Ellery. Elle en avait été informée bien avant de le choisir pour l’accompagner vers le nord.

— Tu prétends que Canthan a tué Ellery ?

— Nan, espèce d’abru… (Athrogate tenta de se rattraper à la dernière minute, mais là encore, Kane ne manifesta aucune réaction.) Nan, c’est pas ça. Je dis qu’Ellery, parente par sang du roi, a demandé à Canthan de venir parce que c’est ce qu’on lui avait commandé. Tu crois peut-être qu’elle était un paladin de ton ordre, mais tu te goures.

— Tu affirmes qu’Ellery était en cheville avec la citadelle des Assassins ?

— Je sais mettre ensemble deux et trois doigts puis me servir de ce poing pour te taper sur la tête. Si tu sais pas compter, c’est ton problème.

— Les membres de la Voix des Ombres sont très rigoureux dès qu’il s’agit de comptes, valeureux nain. Nombreux sont ceux, il semblerait, pris à différents niveaux dans la toile de la citadelle.

La menace contenue dans ces propos n’échappa pas à Athrogate ; elle vint lui rappeler avec qui il traitait, ainsi que sa propre complicité, tout du moins aux yeux de la cour du roi Gareth.

— Moi, tout ce que j’en dis, c’est que tu devais être mis au courant, fit-il, avant de se diriger vers l’échelle et de placer le pied sur le premier barreau.

Il ne se tourna pas pour descendre, préférant garder son regard rivé sur Kane.

Le moine ne bougea pas, ne se leva pas et s’abstint de toute réaction.

Revenu dans la ruelle, alors qu’il s’en éloignait à grands pas, Athrogate songeait à cette entrevue déconcertante et au fait qu’il venait de trahir Knellict.

— Fichu drow ! murmura-t-il. (Soudain, les ombres lui parurent plus sombres et plus menaçantes.) Fichu alcool.

Ces mots résonnèrent dans sa tête et vinrent taquiner son penchant naturel.

— Je crois que je vais aller m’en jeter un, ajouta-t-il, comme s’il se sentait obligé de présenter ses excuses formelles à sa boisson préférée.

La route du patriarche
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